Comment faire lire mon enfant ?
La question "comment faire lire mon enfant" revient en boucle chez les parents d'aujourd'ui, face aux écrans et aux multiples sollicitations en tout genre qui procurent des plaisirs immédiats mais de courte durée, de très nombreux enfants sont éloignés de la lecture et ne connaissent même pas l’existence du plaisir de lire. Pour eux, la lecture est une corvée scolaire, une pratique qu’il faut maîtriser pour obtenir de bonnes notes, un bagage utile pour réussir à l’école, au lycée et plus tard dans la vie. Pour la majorité d’entre eux, en aucun cas la lecture n’est considérée comme une source de jubilation, une opportunité d’évasion et d’enrichissement personnel. Pourtant, il existe des solutions. Elles ne sont pas évidentes et ne garantissent pas le succès à tous les coups mais elles existent et méritent d’être tentées. A tous les parents qui se demandent avec une certaine anxiété : « Comment faire lire mon enfant ? », il est inadmissible de répondre : « c’est fichu, laissez tomber » ; ou « la lecture est une activité veillotte et dépassée ».
La lecture est une corvée pour mon enfant :
Puisque nous parlons de perception, il convient de s’interroger sur les causes de cette perception négative de la lecture. Nous le savons, les enfants imitent sans cesse les adultes qui les entourent. En quelque sorte nous sommes leurs modèles bien souvent sans même le réaliser. Les premières questions à se poser sont donc : Comment est-ce que je considère la lecture ? Quel est l’exemple que je montre ? Mon enfant me voit-il souvent en train de lire ? Lorsque je parle de lecture, est-ce que je montre de l’enthousiasme ?
Très souvent, pendant les vacances les activités qui sont proposées aux enfants excluent la lecture. Combien de fois avons-nous entendu des éducateurs ou des moniteurs de colonies nous dire : « On ne va pas les embêter avec ça, nous ne sommes pas à l’école ». En ayant cette attitude, petit à petit nous construisons une image besogneuse et pénible de la lecture.
Dernièrement nous avons vu apparaitre, dans la même veine, le principe des « vacances apprenantes ». Ce concept sous entend qu’en temps normal, en vacances nous ne sommes pas là pour apprendre… L’apprentissage aurait un aspect rébarbatif. Il est assimilé à du travail, un peu comme l’école. C’est une vision bien triste et surtout fausse. L’apprentissage devait être vécu comme une jubilation pour celui ou celle qui a la chance de le pratiquer dans la joie et la bonne humeur. Il en est de même pour la lecture. La compétition permanente, la nécessité de courir après les bonnes notes, la peur de ne pas réussir vont empêcher l’enfant de savourer, de prendre du plaisir à découvrir, de prendre le temps d’apprécier.
Bien entendu, les contraintes scolaires sont ce qu’elles sont et les parents n’y peuvent pas grand chose. Il est néanmoins possible en dehors du contexte scolaire, d’inculquer aux enfants d’autres manières de percevoir et d’appréhender les apprentissages et les activités culturelles.
Plus généralement, il appartient à chaque adulte au contact d’enfants de leur offrir l’opportunité de découvrir, d’apprendre et d’adopter des activités jubilatoires telles que la musique, la cuisine, la pâtisserie, la couture, la peinture et bien entendu la lecture… Selon le principe simple et incontournable que pour être convaincant, il faut être convaincu, si vous voulez que votre enfant ne considère plus la lecture comme une corvée, il faut être persuadé vous-même qu’elle ne l’est pas ou du moins pas toujours.
La lecture, un moyen formidable de vivre intérieurement des aventures
Tout commence dès la petite enfance. Nous ne répéterons jamais assez combien il est important de raconter des histoires à ses enfants. Déjà tout petit, l’enfant, en savourant se moment de complicité exceptionnelle avec ses parents va associer l’objet livres à du plaisir. Même s’il ne sait pas lire, le geste de tourner la page signifie pour lui de découvrir ce qui va se passer dans cette histoire qui le tient en haleine. Pour peu que les parent aient la bonne idée de montrer clairement leur bonheur de vivre ces instants précieux, le plaisir de lire est ressenti, partagé et donc d’une certaine manière transmis.
Bien sûr tout n’est pas aussi simple et les interactions qui risquent d’aller à l’encontre de cette perception sont nombreuses. Les petits copains et copines sont des influenceurs importants. Les adultes qui vont côtoyer votre enfant ne sont pas toujours très fins lorsqu’ils évoquent leurs souvenirs scolaires calamiteux ou leur perception des livres comme une source d’ennuis. Vous n’y pouvez rien si beaucoup de gens n’aiment pas les livres, il faut juste expliquer à votre enfant que ces personnes manquent quelque chose de chouette dans la vie.
Associer lecture et plaisir
Avant toute chose pour évoquer cette notion de plaisir de lire, il convient d’en proposer une définition précise et consensuelle. L’équipe de La Fée des Mots, spécialiste du plaisir de lire depuis vingt ans propose celle-ci : « le plaisir de lire est une jubilation cérébrale intime qui consiste à transformer des mots en représentations dans sa tête ».
Lecture et jubilation cérébrale
La notion de jubilation cérébrale intime est très révélatrice de la nature du plaisir ressenti. Dans la très grande majorité des cas, lorsque vous allez voir un film adapté d’un livre que vous avez lu, vous préférez le livre. Cela s’explique par le fait qu’en lisant le livre vous avez recréé, dans votre tête, les représentations idéales correspondantes aux mots que vous lisiez. Ainsi chaque lecteur, s’est fait en quelque sorte son propre film. Le réalisateur qui aura travaillé sur l’adaptation ne pourra absolument pas deviner ce qui s’est produit dans votre cerveau et encore moins dans celui de tous les lecteurs. C’est pourquoi nous pouvons ici parler de l’intimité de chacun. Dans un livre tout n’est pas écrit, loin de là. C’est notre imaginaire qui fait le reste, qui décrypte et traduit ce qui est inscrit entre les lignes. Chaque lecteur aura donc sa propre interprétation intime. Faire fonctionner notre imaginaire est une source de jubilation. C’est ainsi, nous sommes des êtres imaginatifs et nous adorons faire fonctionner notre imaginaire. Lorsqu’un enfant écoute une histoire qu’on lui raconte, son imaginaire est en pleine ébullition et il adore ça.
Transformer des mots en représentation dans sa tête
En termes d’activation de l’imaginaire, les mots sont plus puissants que les images. C’est la raison pour laquelle le texte est à privilégier. Bien sûr les dessins dans les livres pour enfants offrent des repères. Ils aident l’enfant à reconnaitre des personnages et des environnements qui deviennent familiers et donc rassurants. Mais lorsque l’enfant commence à maitriser la lecture, plus il pratiquera l’exercice sans l’appui d’images et plus il aura accès facilement aux mondes imaginaires qu’il est capable de créer de toute pièce. Là est le véritable plaisir de lire.
Mon enfant ne lit que des BD
Lire des BD n’est pas un problème en soi. Il y a de nombreuses BD de très belles factures qui méritent bien qu’on s’y attarde et que l’on s’y plonge. Si votre enfant ne lit que des BD il est tout de même judicieux de s’assurer qu’il lit bien les bulles. Le problème avec les BD c’est que les polices de caractère des bulles sont souvent très difficiles à déchiffrer. La lecture est donc beaucoup plus ardue qu’on ne le pense. Certains enfants se contentent de regarder les images et d’inventer les dialogues sans même en être conscients. Il s’en suit des erreurs de compréhension voire des contresens.
Si votre enfant ne lit que des BD, ce n’est pas un souci mais il n’éprouvera pas la même sensation qu’avec un roman. L’univers graphique va guider son imaginaire de manière très significative. Les deux activités, lecture de BD et lecture de romans sont plutôt complémentaires. De ce fait, il ne faut pas s’imaginer que la BD remplace totalement le roman. La BD semble offrir plus de plaisir immédiat et c’est bien compréhensible puisque les dessins nous emmènent directement dans l’univers souhaité sans avoir à l’imaginer et s’y projeter. Lorsque votre enfant s’attaquera à un roman, par obligation scolaire ou simplement par curiosité, il conviendra de lui faciliter un peu la tâche.
Comment aider mon enfant à lire
La lecture, surtout pour un débutant, demande du calme et de la concentration. Même si ce conseil vous semble évident, il faut souvent le répéter. Eteignez la télévision ou la radio, faîtes en sorte que votre enfant ne soit pas dérangé par ses frères et sœurs, montrez lui que ça vous fait plaisir qu’il lise.
Sans être intrusif, intéressez-vous à sa lecture et posez-lui quelques questions qui montent votre intérêt. Si vous avez lu son livre, il va de soi que vous ne devez rien révéler de l’histoire. Par contre, vous pouvez insister sur le fait que vous avez aimé cette lecture et que vous l’enviez de le voir en phase de découverte. Cela insinue que la notion de plaisir est bien réelle et que vous souhaitez échanger à propos de ce récit après qu’il ait fini. De cette manière la complicité perdure mais avec un rapport plus mature entre vous puisque votre enfant a grandi et qu’il est maintenant capable de lire seul. C’est aussi l’occasion de débattre avec votre enfant sur un texte et de montrer que ses réflexions et son analyse vous intéressent. Là encore, il convient d’être à l’écoute et bienveillant en évitant de dicter ce qui est important de retenir et d’imposer votre point de vue.
Faire lire son premier roman à mon enfant
Si vous avez la possibilité de lui offrir son premier roman, choisissez une œuvre à sa portée et qui cadre avec ses centres d’intérêt. Le livre doit être attractif, pas trop volumineux, valorisant et en rapport avec son niveau de lecture. Un livre trop basique et enfantin pourrait être rapidement catalogué « bébé » et un livre trop ardu et complexe pourrait être catalogué « inaccessible ». Pire, il pourrait amener votre enfant à se dévaloriser en pensant : « je n’en suis pas capable donc je suis nul ». Idéalement, il faut un texte d’une centaine de pages (car les cents pages représentent un cap psychologique), capable de passionner votre enfant du début à la fin avec un degré de complexité bien dosé et surtout la possibilité de s’identifier assez facilement à l’un des personnages principaux. C’est la meilleure façon de le voir se projeter dans l’univers que le livre lui ouvre.
N’hésitez pas à dédicacer le premier roman que vous offrez à votre enfant. Tous les lecteurs se souviennent avec nostalgie de leur premier « vrai livre ». Votre dédicace augmentera la charge émotionnelle du livre et ne fera que renforcer la puissance du sentiment qu’il procurera à votre enfant. Et puis, d’ici quelques années, ce roman dédicacé aura pris une grande valeur sentimentale. Pourquoi s’en priver ?
Vous voilà prêt à partager la méthode pour faire lire un enfant !